dimanche 4 novembre 2012



Description et découpage filmiques


Le but premier d'une analyse est de comprendre et clarifier une œuvre, de la rende plus accessible pour l'apprécier. C'est un outil de travail, elle doit être cohérente, lisible et ordonnée. Le découpage consiste à découper et fragmenter le film en séquences, scènes et plans. Il s'agit de le dépouiller , d'en saisir sa substance.

3 conseils de Roger Odin :
1) l'analyse ne dois pas être évaluative.
2) Elle doit porter une attention particulière au processus qui donne du sens à la séquence
3) Elle doit accorder autant d'attention à la méthode qu'à l'objet d'étude

Il y a selon Laurent Jullier, une trichotomie de la méthodologie de l'analyse de séquence :
      1. Quoi : Le choix des composants à mesurer, il s'agit de se faire une idée de ce qui apparaît en premier dans la séquence, qu'est ce qu'on nous raconte ?
      2. Comment : Les tests effectifs, c'est à dire le décryptage méthodique, comment les événement sont présentés et narrés.
      3. Pourquoi : L'interprétation des résultats/diagnostique, il faut maintenant passer de la description à l'interprétation, pourquoi est-ce comme ça et pas autrement ? Rapport entre le fond et la forme.

Il y a 6 grands types de paramètres à prendre en compte :
      1. La durée des plans
      2. L'échelle des plans (plan d'ensemble/gros plan/plongée...)
      3. Les mouvements et déplacements (des personnages et de la caméra)
      4. Le montage (raccord regard/mouvement...)
      5. La bande sonore
      6. La lumière



















I. LE FORMAT

Le Format de l’image est le rapport entre largeur et hauteur.
Au temps du cinéma muet, le format était proche du carré (format 1.33). A l’arrivé du parlant, on repense le format de la pellicule pour pouvoir y inscrire la bande de son, il passe à 1.37 dans le monde entier jusque dans les années 50. C'est aussi ce format qui est utilisé sur les premiers téléviseurs. Dans les années 50, de nombreux brevets sont déposés, c'est l'apparition du format 1.66 (utilisé en Europe et aux Etats-Unis), qui propose une image plus rectangulaire, mais aussi des formats 1.78 et 1.85 : la largeur s’agrandit, mais la hauteur reste la même, jusqu'à l'apparition du format 2.35.
Cependant, dans les débuts du cinéma, certains cinéastes comme Abel Gance, désapprouvait ces formats universels. Gance a donc inventé le format 4 (polyvision, ou triple écran). Trois caméras posées côte à côte sur le tournage, permettait de filmer une plus large surface.



II. LE PLAN

Le plan peut faire allusion au point de vue, à la profondeur de cadre ou à la continuité du film. Il n’est pas toujours considéré comme le plus petit élément du film : on pense au photogramme (une minute= 1440 photogrammes). Cependant, il reste la plus petite unité perceptible du film.

« Le plan reste l’unité la plus probable du cinéma » / « Le plan est un objet filmique comprenant un certain cadrage »

L’idée de plan nait en 1910 et le découpage arrive en 1914. Le découpage technique sert à faire le lien entre le scénario et le tournage. Le plan long apparait en 1946.

Il y a généralement entre 400 et 600 plans dans un film (300 plans par heure). La durée moyenne d’un plan est donc de 5 et 10 secondes, puis 6 secondes selon Bordwell (sauf bien sur lors de plans séquences). Un plan bref dure moins de cinq secondes.
La durée des plans dépend cependant du réalisateur et des conditions de tournage.

Un plan-séquence est une scène filmée en un seul plan sans montage. Lorsqu'il tourne La Corde Hitchcock voulait faire un film en un seul plan séquence, mais les bobines ne duraient que 10 minutes... Eric Von Stroheim avec La Veuve joyeuse, réalise un film en 15 plans seulement

On dénombre 11 échelles de plan :
1) Plan général : plan d’un décor à très grande échelle.
2) Plan d’ensemble : plan sur un bâtiment.
3) Plan large : les figures humaines sont visibles.
4) Plan moyen : personnage cadré de la tête aux pieds. Décor visible en arrière-plan.
5) Plan italien : personnage coupé au tibia.
6) Plan américain : personnage coupé à la cuisse.
7) Plan rapproché taille : personnage coupé au niveau des hanches.
8) Plan rapproché poitrine : personnage coupé à la poitrine.
9) Gros plan : personnage cadré sur le visage.
10) Très gros plan : personnage cadré sur une partie précise du corps.
11) Insert : très gros plan sur un objet.

Paramètres spatiaux : quand on pense à un plan, on pense à toute l’organisation qu'il entraîne (place de l'acteur, lumière, décor, disposition des objets) : le plan est le moment de confrontation entre la caméra et le(s) corps filmé(s). Certains réalisateurs sont très minutieux quand à l’organisation des plans, d’autres à l’inverse, revendiquent une liberté par rapport au scénario.
Du point de vue spatial, le plan est déjà présent dans la peinture. Il s’agit du choix de la profondeur de champ pour donner un effet voulu. Il y a également une distance interne (premier plan, arrière-plan), qui définit la profondeur. La distance peut également être un espace à franchir, une chose infranchissable ou un élément de liberté.

L’axe temporel rentre en compte dans le plan. C’est la configuration d’un espace donné.
Du point de vue temporel un plan est situé entre deux autres plans, c’est une notion abstraite. C'est un bloc homogène (généralement) d’espace-temps. (Contre-exemple : l’Arche Russe d' Alexandre Sokourov : un film en plan séquence qui traverse plusieurs temps).

Il y a plusieurs angles de prise vue (ou prise de champs) :
- Parallèle au sol : comme on pourrait voir en "vrai"
- Plongée : la caméra est au-dessus de l’élément filmé. On parle de plongée totale lorsque l’angle de plongée est supérieur à 30°
- Contre-plongée : la caméra est en dessous de l’élément filmé

Un changement de plan est parfois difficile à détecter. Au début du cinéma, ils étaient considérés comme une agression de l’œil.


III. LE CHAMP

A) La profondeur de champ :

- Perspective : le champ est-il libre ou obstrué par un objet ?
- Focale longue/courte : plus la focale est courte, plus l’angle de prise de vu est large.
• Courte : La distance entre le premier plan et l’arrière-plan est exagéré. Il y a distorsion et illusion de vitesse.
• Longue : distance entre le premier plan et l’arrière-plan est compresse, elle permet de filmer des choses à longue distance. La profondeur de champ est aplatie et les distances sont raccourcies, l’angle de vue est donc plus réduit. Cela donne une impression de ralentissement.

B) Hors champ

Le cadre est inséparable du contenu du champ, il peut être entre assez vide, et assez saturé, mais le champ n’est qu’un fragment d’un espace beaucoup plus grand : l’univers du film. Le hors champ est laissé à l’imagination du spectateur et peut être aidé par le fond sonore.


      1. MOUVEMENTS ET DÉPLACEMENTS
Le cadre offre au cinéma la possibilité, contrairement à la photographie et à la peinture, de pouvoir se mettre en mouvement. Il y a mouvement de cadre ou mouvement de caméra lorsque les limites du cadre bougent et lorsqu’on a un changement de distance focale (rapprochement/ éloignement/rotation/déplacement des éléments filmés) ou d’échelle de plan.
Un mouvement descriptif est un mouvement qui effectue un balayage global (contemplation) tandis qu'un mouvement de suivi suit un personnage ou une chose mobile.

A) Le panoramique

La caméra reste sur son pied et balaye le champ latéralement, à l’horizontale sur un axe vertical ou à la verticale sur un axe horizontal.

B) Le zoom

Le zoom se développe à la fin des années 50 avec les caméras légères, avant on était obligé de changer de plan. Ici il n'y a pas déplacement de caméra mais modification de la distance focale (économie du mouvement). Le plan se rapproche quand la distance focale s’allonge (zoom avant) et s’éloigne quand la distance focale est raccourcie (zoom arrière).
Tous les éléments se rapprochent ou s'éloignent à la même vitesse et il y a un effet de grossissement de l'arrière plan. Pour qu'un zoom soit réussi, la caméra doit donc être fixe.
Le zoom avant a une symbolique voyeuriste. A l’inverse le zoom arrière permet d’avoir une vision plus large et de se retirer d'une action.

C) Le travelling

Le travelling est un déplacement dans toute la longueur ou la largeur de l'espace avec la caméra (contact physique) sans quitter le sol, les éléments ne se rapprochent donc pas à la même vitesse.
Il existe des travellings avant, des travellings arrière et des travellings circulaires autours d'un axe.

Le zoom avant et le travelling avant n’ont pas le même effet. Le zoom avant traduit une volonté de mieux voir l’objet, alors que le travelling avant traduit une volonté de proximité et de connaissance de l’objet. Dans le zoom avant il y a un rapprochement par grossissement de l’arrière-plan tandis que le travelling reconfigure l’arrière-plan.

D) Mouvements de grue

La caméra est fixée sur une grue qui fait monter et descendre la caméra. Si les plans aériens sont plus complexes, on a recours à un avion ou un hélicoptère. La grue Louma permet de plus amples déplacements (notamment des plans d'ensemble ou de demi-ensemble)

E) Le dolly-zoom

Inventé par Hitchcock pour l'escalier dans Vertigo, c'est un mélange de travelling arrière et de zoom avant (ou de travelling avant et de zoom arrière).
Si il y a travelling arrière et zoom avant on a l'impression que les personnages au premier plan de bougent pas et que l'arrière plan se rapproche (https://www.youtube.com/watch?v=iv41W6iyyGs). A l'inverse, si il y a travelling avant et zoom arrière l'arrière plan semble s'éloigner (https://www.youtube.com/watch?v=NB4bikrNzMk&feature=fvwp&NR=1).

F) La Steady cam

Beaucoup utilisé par Kubrick (voir Shining), la caméra est dans les mains du caméraman qui porte une ceinture pour éviter les soubresauts. Cela permet de fluidifier le mouvement contrairement à la caméra simplement tenue sur l'épaule.





V. LE MONTAGE

Le montage est la manipulation et l'organisation précise des plans un par un.

Définition technique : processus de fabrication d'un film
Définition théorique : association d'images qui créent du sens dans la continuité, de la dynamique pour créer une pensée.
En anglais il existe deux termes : cutting (action de couper et d'organiser) et editing (agencement de plan, idée de découpage). Le chef monteur est apellé editor

Il y a 3 étapes dans le montage :
      1. Le visionnage de l'ensemble des rush
      2. La sélection d'un certain nombre d'éléments essentiels
      3. La juxtaposition bout à bout de tous les rushs
Il s'agit ensuite de réfléchir à la longueur interne des plans et à leur juxtaposition. Le passage d'un plan A à un plan B doit être motivé par un lien logique, le monteur doit d'abord décider où commencer et arrêter chaque plan.

1) LE RACCORD (soudure entre deux plans d'une même séquence)

A) Champ/ Contre-champ
Alternance entre des champs opposés l'un à l'autre à 90° ou 180°. Souvent dans les dialogues.

B) Raccord regard
Dans le premier plan cadre on voit le personnage qui regarde quelque chose hors champ, dans le second on voit la chose regardée.
Le second plan est dit subjectif si on a l'impression de voir l'objet des yeux du spectateur (même distance et même angle)

C) Raccord dans le mouvement
On voit le début d'un geste dans un plan A qui se poursuit/termine dans un plan B (et vice-versa)

D) Raccord de direction
Sortie d'un plan A par la droite, entrée dans un plan B par la gauche (et vice-versa). Changement d'espace

E) Raccord dans l'axe
On reste dans le même axe d'un plan à l'autre, mais à une autre échelle.

F) Jump Cut (amorcé par Godard)
Petite saute temporelle dans la séquence, la caméra n'a pas bougé mais du temps est passé.

G) Mauvais raccord
Un mauvais raccord ne respecte pas la différence d'angle d'un plan à l'autre (qui doit être de 30°). On considère alors que le second plan n'avait pas lieu d'être. On considère aussi un plan qui change de plus de 180° comme un mauvais raccord (le personnage bouge un peu)

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